Jean Marais, au fil du temps...

Jeannot est né le 11 décembre 1913 à 13 heures. Il fût élevé par sa mère, sa tante et sa grand-mère. Sa mère qu'il surnomme "Rosalie" lui apprend à dominer sa peur, à endurer la douleur, à se laisser punir injustement plutôt qu'à dénoncer le coupable. Chahuteur, bagarreur, chapardeur, il se qualifie de "monstre" au fil d'une scolarité ponctuée de carnets de notes truqués, d'expulsions, de faux certificats. Depuis toujours, il rêve de devenir acteur. En attendant, il trouve à Paris un emploi de retoucheur photographe, moyen de développer son intérêt pour la peinture, qui ne quittera plus. Puis, il se tournera vers l'enseignement de Charles Dullin, au théâtre de l'Atelier. En échange de figurations, il peut suivre les cours gratuitement. Au cinéma, Marcel L'Herbier ne lui propose que des rôles obscures. Il lui proposa aussi ses premiers rôles : des apparitions dans L'épervier et l'Aventurier (1933).

Sa notoriété explose pendant la guerre, avec l'Eternel retour (1943). Il tournera également pour Christian-Jacque (Carmen et Voyage sans espoir), pour Pierre Billon (Ruy Blas 1947), puis Henri Calef (Les Chouans 1946), puis René Clément (Le château de verre 1950), mais tout ceci sans jamais abandonner le théâtre. Il fera également bonne figure aussi bien chez Renoir (Eléna et les hommes 1956) que chez Visconti (Nuits blanches 1957) ou Guitry (Si Versailles m'était conté 1953).

Pourtant, c'est dans le registre du cinéma franchement populaire que Jean va prendre son essor, tous ces films dits à performances sportives entrepris à un âge (40 ans) où, disait-il, les autres s'arrêtent. Tout commença en effet avec Ruy Blas, officiellement sous la responsabilité de Pierre Billon mais toujours sous la haute surveillance de Cocteau, qui encourageait son Jeannot à exploiter sa nature sportive. "Je n'arrivais pas à faire certaines choses en répétitions que je réussissais au moment de la prise. Par exemple, je devais monter sur un cheval sans toucher les étriers. Au "moteur, partez", je me suis envolé et me suis retrouvé sur le cheval." 

Jean Marais, en effet, après un tel bond n'en finira plus de voler de cape en épée : du Comte de Monté-Cristo, 

au Capitaine Fracasse, en passant par le Bossu, le Capitan ou le Masque de fer. Tous ces films font des triomphes colossaux. Autre succès populaire la série des Fantômas, là encore vivement encouragé par Cocteau.

En 1970, Jacques Demy en hommage à Cocteau, tourne Peau d'âne et confie naturellement le rôle du roi à Jean Marais, papa de Peau d'âne-Catherine Deneuve. Il est somptueux dans la citation vivante et un rien inquiétant dans la gravité qu'il met à son personnage de père incestueux. Il retrouvera Demy en 1985 pour Parking. Dans le même esprit, Bertolucci lui offre en 1995, son dernier rôle dans Beauté volée, où il incarne un vieux critique excentrique.

La fin de carrière de Jean Marais fût exclusivement consacrée au théâtre et surtout à la conservation fidèle de la mémoire de Jean Cocteau, dont il restait l'infatigable ange protecteur."

Enfin, je conclurais par ses mots de Jean Marais, il déclarait en 1986 : "Ce qui compte pour moi, c'est de m'amuser, ça me plait, je le fais, ça ne me plait pas, je ne le fais pas. On dit que l'âge donne la sagesse, mais la sagesse n'a rien à voir avec le sérieux. Et je n'ai pas envie de l'être."